Droit de la famille : les changements apportés par la réforme de la justice
La procédure de divorce se voit profondément réformée par la loi du 23 mars 2019 de programmation et de réforme pour la justice. Plus rapide et moins contentieuse, placée sous le signe du droit collaboratif… les détails de cette nouvelle procédure ne seront divulgués que le 1er septembre 2019.
Les points principaux de la réforme que nous pouvons d’ores et déjà voir entrer en vigueur sont les suivants :
1. La suppression du recours systématique au Juge pour homologuer un changement de régime matrimonial.
Si aucun contrat de mariage n’est signé lors du mariage, les époux sont soumis au régime de la communauté réduite aux acquêts, selon laquelle tout ce qui est acquis pendant le mariage est commun aux époux.
Il est possible, en cours de mariage, de changer d’avis et de faire un contrat de mariage pour changer de régime matrimonial.
En l’absence d’enfant, ce changement de régime matrimonial se fait par simple acte notarié.
Toutefois, auparavant, en présence d’enfant, la loi faisait obligation de soumettre ce changement de régime matrimonial à l’homologation du Juge aux Affaires Familiales.
Cela impliquait pour les époux de faire acter leur souhait d’opter pour un autre régime par un Notaire puis de prendre un avocat, afin de saisir le Tribunal pour que ce changement soit effectif.
Après avoir remarqué que la plupart des demandes d’homologation étaient acceptées par le Juge, le législateur a décidé de supprimer cette obligation judiciaire, qui contribuait, in fine, à engorger les Tribunaux.
Dorénavant, l’homologation par un Juge du changement de régime matrimonial d’époux n’est obligatoire que si une tierce personne fait opposition à ce changement.
2. La séparation de corps par consentement mutuel.
La loi nouvelle calque le régime de la séparation de corps amiable sur celui du divorce par consentement mutuel « sans juge ».
Ainsi, désormais, il sera possible à deux époux de signer une convention de séparation de corps par consentement mutuel par acte d’avocat, qui ne sera pas homologuée par un Juge aux Affaires Familiales, mais enregistrée au rang des minutes d’un Notaire.
3. Le recours à la médiation familiale pour l’exécution d’une décision.
Dans son ensemble, l’idée de la loi nouvelle est de favoriser, en matière familiale, le recours à la médiation, afin d’éviter que certaines situations familiales se conflictualisent à outrance.
Le recours à la médiation familiale est de plus en plus prisé, voire obligatoire devant certaines juridictions, comme préalable à tout procès.
L’idée est alors que la médiation permette de trouver une solution aux questions litigieuses, et que le Juge n’ait pas à imposer une décision qui ne satisfera, finalement, personne.
Or, la loi nouvelle permet au Juge d’ordonner une médiation après sa décision pour parvenir à l’exécution de sa décision.
Une telle solution ne peut qu’être positive.
Il est vrai que, d’une part, les décisions des magistrats ne sont parfois pas assez précises pour recouvrir toutes les situations et les complications qui peuvent apparaître en pratique.
En outre, si certains point précis ne conviennent pas aux parties, il sera plus aisé, dans le cadre de la médiation, de discuter des modalités d’application de la décision.
4. Des sanctions financières pour non-exécution d’une décision du Juge aux Affaires Familiales : astreinte, amende civile.
Voici une mesure fort attendue.
Jusqu’alors, lorsqu’un des parents faisait obstacle à l’application d’une décision JAF, et notamment aux mesures relatives à l’autorité parentale, aucune sanction n’était prévue.
Certes, les délits de non représentation d’enfant et d’abandon de famille existent, mais ils sont peu poursuivis, peu réprimés et par conséquent peu dissuasifs.
Il semble que ces nouvelles dispositions légales permettront au JAF de pouvoir assortir les mesures relatives à l’autorité parentale de sanctions réellement dissuasives, soit :
Demander au Procureur de la République de requérir le concours de la force publique pour faire exécuter une décision (et ne plus attendre qu’une plainte soit déposée, traitée, etc….) ;
Ordonner une astreinte pour l’exécution de sa décision ;
Condamner le parent qui fait délibérément obstacle de façon grave ou renouvelée à l’exécution d’une décision ou d’une convention relative à l’exercice de l’autorité parentale à un amende civile d’un montant maximum de 10.000 euros.
Il ne reste plus qu’à espérer que les Juges aux Affaires Familiales auront le courage de se saisir de telles dispositions.
5. La nouvelle compétence du JAF pour attribuer le logement des concubins.
La mesure la plus novatrice est, sans conteste, celle qui autorise le Juge aux Affaires Familiales à attribuer la jouissance du logement de la famille au concubin, en présence d’enfant.
Jusqu’alors, la différence (et quelle différence !) entre un couple marié et un couple de concubins avec enfant était que le couple de concubins ne pouvait pas saisir le JAF pour statuer sur la résidence des enfants tant qu’ils ne vivaient pas dans deux domiciles séparés.
Cela donnait lieu à des situations parfois dramatiques : si aucun des concubin n’avait les moyens financiers (ou la volonté) de partir, il n’était pas possible qu’une décision sur l’organisation de la séparation pour les enfants soit rendue.
Aucune règle légale ne pouvait décider lequel des deux devait quitter le bien… Mise à part la loi du plus fort, laquelle n’est point connue pour son esprit d’équité.
Une cohabitation pénible et contrainte devait alors être endurée par tous, ce dont les enfants souffraient en premier.
Désormais, le Juge aux Affaires Familiales pourra décider d’attribuer le logement à l’un des deux concubins pour une durée maximale de six mois, et fixer les mesures de résidence des enfants.
Si le bien appartient en indivision aux parents, la durée de l’attribution peut être prolongée, uniquement si le Juge a été saisi d’une demande de liquidation partage.
Par Juliette Daudé – Village justice du 15.04.2019